Des Barbarians, il y en a plein dans le Monde
mais la matrice est en Angleterre. C'était un club sans
foi ni loi mais pas sans esprit. Ils jouaient une semaine avant
Pâques sur le littoral gallois, une autre fois entre Noël
et le jour de l'An à Leicester et puis, contre des équipes
de l'hémisphère sud, avec toujours dans leur groupe,
un non-international. Un matchest resté dans toutes les
mémoires, celui de 1973 à Cardiff entre les Baa-Baas
(diminutif à usage domestique) et les All Blacks.
Ainsi s'est bâtie cette légende,
hors du temps d'un club dont le concept est si fort qu'il a
fait des petits ailleur : les Crawshays Gallois, les Wolfhounds
Irlandais, les Zèbres Italiens et tout simplement les
Barbarians de Nouvelle-Zélande, d'Australie, d'Afrique
du sud, de France, des Fidji et les derniers en date, d'Argentine,
avec un ministre comme president, Son Excellence Hugo Porta.
Bien entendu, les latins que nous sommes ont éprouvé
quelques difficultés à se reconnaitre dans cette
esprit de fol amusement, jusqu'à l'enfantillage, jusqu'au
trop plein d'attaques et de bière. Forcément,
l'exutoire n'a pas la même signification des deux côtés
de la Manche.
Donc c'est en 1978 que ce cher Pastrou (George
Pastre) poussa les feux avant de partir en retraite pour que
la France ait enfin ses Baa-Baas. Message reçu par ces
coquins de Ferrasse, Basquet, Fouroux et ses potes du grand
chelem 1977 qui virent aussitôt le parti qu'ils pourraient
tirer de cette opération-séduction.
Filiale libérée
A l'epoque, on avait pesté contre ce coup
fourré au foie gras perpétré le 11 août
1979 à Sarlat. Le club France le plus hermétique
du monde qui nous parlait d'ouverture, c'était comme
une taupe qui nous parlait du ciel bleu, selon le fameux mot
du sorcier luzien Albert Kaempf ! La colère n'est plus
ce qu'elle était, l'esprit a fait son chemin. A de rares
exceptions près, c'est à dire en faisant semblant
d'oublier quelques cas de copinage, plus des rentes viagères
de notoriété publique, l'ensemble de l'oeuvre
accomplie est trés respectable. Un Henri Magois dans
la toute première équipe de 1980, Irvine le premier
étranger invité, bientôt suivi de Rose,
Slattery etc...
Il y a plusieurs périodes dans l'histoire
des Barbarians français. 19979-1990 : les < grands
chelemars > de Fouroux, présidés par guy Basquet
et supervisés par Albert Ferrasse, plus Fernand Cazenave
et Marcel Martin, étaient les rois du plancher. Pas de
contrôle, des passerelles de circonstance entre XV de
France et Baa-Baas, le club n'était pas affranchi.
< Une filiale de la fédé > disait Patou
qui ajoutait : < Tout a changé quand Jean-Pierre Rives
s'est engagé à fond. C'est lui qui a trouvé
la phrase célèbre, "les Barbarians, c'est
la Suisse du rugby"...> Il avait déjà
son beau maillot avec ses dégradés de bleu, ses
cravates sobres et rares, son indicible attrait pour notre petit
monde de traditionnalistes et ses matchs réguliers résistant
de leur mieux à la tentation de l'inflation.
Une image nous reste de ce premier match des Baa-Baas
contre une équipe en tournée, les All Blacks à
Bayonne en 1981. Passes au cordeau de Gérald Martinez
et Bernard Viviès, essai de Thierry Merlos aprés
un somptueux cadrage-débordement. Merlos, jugé
trop frêle pour le XV de France, venait de donner là
son label d'intérêt public aux Barbarians. Mais
qu'est-ce qu'on s'en fout qu'ils aient perdu ce samedi-là!
On s'en fout parce que le bonheur du jour, voyer-vous, c'était
cette percée radieuse du Merle comme un bijou dans son
écrin.
La fameuse nuit d'Agen
Puis, il y a eut la période d'ouverture,
hors grand chelem en direction de Dédé Boniface,
Jo Maso mais aussi Serge Blanco, Daniel Dubroca, Laurent Pardo
et Serge Kampf, ami et mécène du club. Jusque
là, c'était Jacques Fouroux qui tenait le club
d'une main de fer, jusqu'à la révolution de novembre
1990. Comme la fédé, les Barbarians étaient
divisés entre les clans ferrasse, Fouroux, Patou et Fabre.
Conscient du poids de cette institution, l'Auscitain avait alors
tenté une manoeuvre en réunissant les 15 du grand
chelem, et eux seuls, la veille du match contre les All Blacks
(encore eux !) le 22 octobre 90, à Agen. Effet manqué
mais cette nuit-là appartient depuis à la grande
histoire des Baa-Baas, plus d'ailleurs que le match lui-même
contre les Noirs qui étaient au terrain ce que la situation
était dans la coulisse, morne, triste, sans esprit.
curieusement, cette terrible année 91 fut
la seule sans match des Barbarians. Et quand la série
repris en octobre 92 à Lille contre les Springboks, le
club avait déjà versé dans l'opposition.
C'était le match des adieux de blanco mais le pathétique
fut atteint au banquet déserté par les sud-Africains
et par les idrigeants fédéreaux. Jacques Fouroux
monta alors un show assassin contre le pouvoir, en mimant un
comité directeur du régime Lapasset. Désopilant,
sauf pour ceux qui étaient ainsi brocardés. Un
André Herrero fut d'ailleurs à duex doigts de
voler dans les plumes de Fouroux.
L'affaire fit grand bruit mais des deux cotés. Aux réunions
des Barbarians, on cassait du Lapasset et du Berbizier à
tour de bras. Tout joueur dédaigné en équipe
de France avait sa chance chez les autres. Avec le recul, on
s'aperçoit qu'en 1992 en Australie, c'est un deuxième
XV tricolore qui partit avec les Baa-Baas : Castagnède,
Lièvremont, Lhermet, Lascubé, Périé,
Bondouy...
Auparavant, le club s'était trouvé
un siège en harmonie avec ses habitudes, chez Castezl
s'il vous plaît. Une salle au deuxième étage
de ce haut lieu de la nuit parisienne, avec les trophées
et les autres attributs patinés par le temps, arbitrant
des séances de brainstorming assez musclées. Un
autre grand moment avait captivé notre attention toute
acquise à nos Barbarians comme vous l'avez compris, quand,
en 93 à Clermont-Ferrand, Farr-Jones joua aux côtés
de Whetton contre ses potes Wallabies.
Et c'est précisément pour organiser
la toute première tournée lointaine en Australie,
en juin 94, que Rives et consorts firent la paix avec le camp
Lapasset. Un voyage qui, entre parenthèses, allait marquer
le retour d'un Skréla qui en annonçait un autre.
Ultime souvenir, celui d'une nouvelle première entre
Barbarians de France et de Grande-Bretagne, les cousins se rencontrant
enfin début septembre 94, à la faveur de l'inauguration
rugby du nouveau Charlety. Une soirée mémorable
avec un invité nommé Campese et vouée aux
faux adieux d'un Jacques Fouroux en partance pour le XIII...
Et demain? J-P Rives a déjà repondu
le 11 octobre en réunissant pour la première fois
tous les Barbarians du monde à Paris. Voici sa vue sur
l'avenir : "Je pense que le rugby pro ne commettra pas
la bêtise de se couper de l'esprit Baa-Baa. Parce qu'il
est le garant de ce que ce sport fut, un jeu pour les joueurs,
par les joueurs. Je ne peux pas croire qu'il existe un seul
rugbyman qui se mette en culottes courtes pour gagner uniquement
sa vie. Et précisement, c'est parce que notre rugby a
du mal à gérer cette période de transition
qu'il aura bien besoin des Barbarians. A condition qu'ils existent
au travers des matchs...".
Henri Nayrou
Midi Olympique / 18.11.96